Nous venons d’examiner rapidement les conditions écologiques et la couverture
végétale des basses terres Champlain, qui sont comme une espèce d’ancien lit
majeur du grand fleuve. Mais ce fleuve lui-même est une parfaite synthèse des
trois grands milieux où s’épanouit la vie : la terre, l’eau douce et l’eau
salée. Le Saint-Laurent est donc un milieu biologique d’un vaste intérêt, à
cause de sa complexité écologique, de sa richesse en formes végétales, et de son
dynamisme intense. Il mérite donc d’être étudié séparément et plus longuement.
Le Saint-Laurent a la noblesse d’être le plus ancien de tous les fleuves. Il
coule en marge du Bouclier précambrien
(carte), épousant, dans la partie inférieure de
son cours, la grande ligne de cassure, la faille de Logan. À toutes les époques
géologiques, le Saint-Laurent a dû être une grande voie de migration végétale.
Il a sans doute flotté au carbonifère les thalles vascularisés des psilophytales,
les graines des ptéridospermées, et plus tard, au jurassique et au crétacé, les
fruits des cycadales et des bennettitales. Ses rivages ont vu naître et
s’éteindre les énigmatiques pro-angiospermes, et durant le Tertiaire, il a vu
s’ébaucher et s’organiser définitivement le triomphe de l’aventure angiospermique. Mais la grande glaciation a presque complètement effacé dans la
vallée laurentienne les traces de l’enfance des plantes vasculaires, et
l’histoire de ces migrations anciennes. Depuis trente ou quarante mille ans que
la route du Saint-Laurent est de nouveau ouverte aux végétaux, il s’est établi
le long de ses rives une flore nouvelle, une flore riparienne et aquatique dont
l’intérêt et la complexité tiennent à la variété des facteurs écologiques
agissant sur les différents tronçons de l’immense cours d’eau.
Nous nous bornerons ici à l’étude de cette partie du fleuve qui est comprise
dans les limites de la province de Québec, et qui est d’ailleurs la partie
essentielle au point de vue qui nous occupe.
Il est possible de diviser la portion québécoise du Saint-Laurent en six
tronçons ou
sections caractérisés au point de vue de leur flore.